jeudi 25 octobre 2007

Petit Prince



Hello les gens,

Ce coup-là, je vais faire short mais il fallait que je vous raconte.

Le week-end de Pâques dure quatre jours en Australie, et avec des copains, je suis parti me balader, en voiture de location, puisque la mienne a rejoint le paradis des Mitsubishi (avec le pognon qu'elle ma coûté, il valait mieux pour elle que ce ne soit pas moi le préposé à la balance du purgatoire, parce qu'elle aurait pris l'escalier qui descend...). Le troisième jour, au soir, on s'est arrêtés dans un backpacker pour dormir un peu mieux que sous une tente, prendre une douche, et recharger les batteries de nos appareils photos.

Ce backpacker là est un peu particulier. C'est un ancien cuisinier, Chris, et sa petite famille, qui ont aménagé deux pièces de leur maison en dortoirs, et qui hébergent les voyageurs de passage pour une somme modique.

Le Chris en question, il faut l'entendre, au pub du village avec sa bière, devant une télévision diffusant un match de footy (le sport le plus populaire, ici). Pour entretenir la conversation, on a osé la comparaison avec le cricket (le principal sport concurrent, apparemment). Malheur à nous! Qu'avons nous dit! Stupidité de touristes naïfs! Le regard noir de Chris nous fait immédiatement comprendre que, là, on a peut être dit une connerie...

En effet, la réponse ne se fait pas attendre bien longtemps, aussi cinglante qu'automatique. Il interrompt une gorgée de bière, et assène trois mots, convaincants comme des coups de massue:

"-Cricket is SHIT!"

Le ton n'appelle pas à la discussion. Bon mec, j'essaie de lui faire plaisir, et j'enfonce un peu le clou:

"-Ca ressemble à du Baseball, sauf que le jeu est plus lent."

"-Baseball is SHIT!"

Okay. C'est vrai qu'on ne connait pas trop ça, en France. On suit plutôt le football.

"-Soccer is SHIT!"

Bon, la bière gicle. N'insistons pas. Un de mes collègues risque, d'une petite voix: "-And footy is good?"

Banco! Carré d'as! Quinte Floche! Là, on voit tout de suite qu'on a touché le bonhomme au cœur. Le visage s'éclaire:

"Footy is very good!"

Bon, j'ai compris la leçon. Footy is good. Tout le reste is shit.

Le lendemain, on prend le petit déjeuner dans le salon avant de repartir. Les deux mômes de Chris et de sa femme doivent avoir entre quatre et six ans, et ils courent sous la table pendant qu'on essaye d'étaler proprement du caramel sur nos tartines. Ce que ça peut être en forme un gamin à 8 heures du mat'!

Après trois minutes de ce manège, leur maman, qui doit être habituée, dégaine deux crayons et quelques feuilles de papier. L'arme est efficace: les gamins se mettent à gribouiller avec acharnement.

Dix minutes plus tard, pendant que mes deux potes réfléchissent au remplissage du livre d'or du lieu, je me penche un instant sur le boulot des deux mômes. Ca ne vaut pas encore Monet, mais ils ont déjà l'application du maître. Le plus petit, aussi blond que son frère, me tend sa feuille et son feutre.

Je regarde ailleurs: Rembrandt et moi, on n'a jamais été potes question talent. Le môme insiste. Bon, je m'applique, la langue entre les dents: une maison, un avion, et je lui rends sa feuille et son crayon. Merde, ça à l'air de lui plaire, et il en redemande:

- "Plize, awawaw eeyeyyeayayaya youi?"

Tu sais, le genre de truc aigu que t'as envie d'enregistrer, rien que parce qu'on te croira pas après sinon. Dites, les gars, vous êtes sûrs qu'il parle anglais, ce gosse? Je dois le regarder d'un air tellement incrédule, qu'il répète, assidument:

- "Awawaw eeyeyyeayayaya youi?"

Dans ma vie, j'ai eu droit à un paquet d'interros. Mais là, le prof a quatre ans, un accent de jeune australien à qui on a volé son happy meal, et je pige que dalle à la question.

Au hasard, je tente une voiture, un arbre. Je repose la feuille. Ca sent le zéro pointé. En effet, le môme secoue la tête, gribouille mon œuvre tant qu'il peut, et me répète:

- "Awawaw eeyeyyeayayaya youi?"

On t'a jamais dit que t'avais les gènes de ton père, toi? Awawaw is very good et tout le reste is shit, pas vrai?

Bon, le môme n'est pas bien grand, et blond comme un polonais. Ca, par contre, ça me rappelle quelque chose... Je ramasse le feutre, la feuille et, vous l'aurez compris, je tâche de dessiner un mouton du mieux que je peux.

Je rends ma copie en priant le bon Dieu.

Là, le gosse écorne mon égo, parce qu'il n'a vraiment, mais vraiment pas du tout l'air de comprendre ce qu'il y a sur le coin de papier. Faut reconnaitre que le gribouillis tient plus du symbole que du trompe-l'œil. Il secoue encore une fois la tête:

" Eeeyyeayayaya YOUI!"

Mais, c'est qu'il commencerait presque à s'impatienter, le bougre!

J'hésite un moment, puis je me décide. L'occasion est trop belle, et ça m'amuse presque plus que lui.

Je reprends une feuille et je dessine un gros cube, avec la perspective, et tout ce qui va bien.

Et je tente le coup:

"Your machin is in the box! Just try to draw it yourself, all right?"

Il regarde ça en réfléchissant, une seconde, deux secondes, puis a l'air de s'en trouver satisfait et commence à tracer quelques traits dans la boite en question.

Je lève les yeux.

Je l'ai trouvé, les mecs, il habite à Lavers Hill.

See you,
P.

PS: Moi, par contre, je ne saurai jamais ce que c'est que awawaww youi.

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